La Femme de Zante
Domaine : Grec

La Femme de Zante

Dionysios Solomos

Édition bilingue

Traduction du grec moderne et présentation par Gilles Ortlieb

Format : 117 x 170 mm
96 pages

ISBN : 978-2-35873-007-5

Mise en vente : 25 septembre 2009

12,20€

La Femme de Zante, « Vision prophétique du moine Dionysios », est la seule œuvre en prose de Solomos. C’est un livre inclassable : faut-il y voir un poème narratif, une satire, une nouvelle fantastique dans la lignée des romantiques allemands, un récit prophétique, une prose aux allures de versets bibliques ? On sait que la rédaction en a débuté après avril 1826, au cours du célèbre siège de Missolonghi par l’armée turque, et qu’elle s’est inspirée pour partie de scènes réelles, auxquelles Solomos avait pu assister dans les rues de Zante.
La trame en est apparemment simple puisqu’il s’agit du récit, à la première personne, d’un moine portant le même prénom que l’auteur, témoin oculaire de chacune des scènes décrites et dressant le portrait d’une compatriote « à l’âme tordue et mauvaise » qui n’hésite pas à afficher ses sympathies pour l’ennemi alors même que les canons résonnent devant la ville assiégée, puis narrant, dans un état de voyance prophétique, les circonstances atroces de sa fin – autrement dit, son châtiment.
Mais tout, dans ce bref récit, est extraordinaire et inouï, à commencer par la crudité des descriptions – d’autant plus saisissantes que celles-ci sont le fait d’un religieux revenu de tout sauf de Dieu et de certains ciels étoilés, qui porte sur l’humanité un regard pour le moins las et désabusé et, dans le même temps, d’une étrange sérénité – tout, jusqu’au déroulement méthodique de l’intrigue, sur fond d’éclairs, de roulements de tonnerre, de visions apocalyptiques, de malédictions courant sur plusieurs générations et d’apparitions macabres.

Georges Séféris, « Discours du prix Nobel », 1963 :

« Dans l'histoire de la poésie grecque de notre temps, les figures et les cas étranges ne manquent pas. Il était, par exemple, bien plus naturel, j'imagine, que la poésie d'un peuple marin, agricole et guerrier, commençât par un chantre de sentiments frustes et simples. C'est le contraire qui arriva. Elle devait commencer par un homme, que possédait le démon de l'absolu. Il est né dans l'île de Zante. Il me faut remarquer immédiatement que le niveau de culture des îles Ioniennes était, à cette époque, de beaucoup supérieur à celui de la Grèce continentale. Solomos avait fait ses études en Italie. C'était un grand Européen, très averti des problèmes qu'affrontait la poésie de son siècle. Il pouvait se faire une carrière en Italie, il écrivit des poèmes italiens ; les encouragements ne lui firent pas défaut. Il préféra la porte étroite : il décida de faire son œuvre en grec. Solomos avait certainement connu les poèmes que les réfugiés crétois avaient apporté avec eux. C'était un partisan fervent de la langue du peuple et un ennemi du purisme. Ses vues sur ce problème nous ont été conservées dans son Dialogue du Poète et du Lettré pédant (il faut entendre ce mot dans le sens où Rabelais emploie le mot Sorbonicole). Je cite au hasard : “Ai-je autre chose dans mon esprit, s'écrie-t-il, que la liberté et la langue ?”, ou encore : “Soumets-toi à la langue du peuple, et si tu es assez fort, conquiers-la.” C'est cette conquête qu'il entreprit et c'est par cette entreprise qu'il devint un grand Grec. Solomos est sans doute l'auteur de l'Hymne à la liberté, dont les premiers vers constituent notre hymne national, et d'autres poèmes qui ont été mis en musique et abondamment chantés au cours du siècle dernier. Ce n'est pourtant pas à cause de cela que son héritage compte pour nous ; c'est parce qu'il a su tracer d'une manière aussi définitive que son temps le lui permettait, le chemin que devait prendre l'expression grecque. Il aima la langue vivante et travailla toute sa vie pour l'élever au niveau de la poésie dont il rêvait. C'était un effort qui dépassait les forces d'un seul homme. De ses grands poèmes, par exemple Les Assiégés libres, inspiré par le siège et les souffrances de la ville de Missolonghi, il ne nous reste que des fragments, la poussière d'un diamant emporté par l'ouvrier dans la tombe. Il ne nous reste que des fragments et des blancs qui représentent la lutte de cette grande âme tendue comme la corde d'un arc qui devait se briser. De nombreuses générations d'écrivains grecs allaient se pencher sur ces fragments et sur ces blancs. Solomos meurt en 1857. En 1927 on publie pour la première fois La Femme de Zante, qui le consacre grand prosateur, comme il avait été consacré, depuis longtemps, grand poète. C'est un texte manifique qui se grave profondément dans nos esprits. De façon significative, le destin voulut que Solomos, soixante-dix ans après sa mort, répondît par ce message aux inquiétudes des nouvelles générations. Il a toujours été un commencement. »

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