Le Nouvel Observateur - Chez les Indiens hopis

 Le Nouvel Observateur - Chez les Indiens hopis
20 juin 2012

Chez les Indiens hopis

D.H. Lawrence au Mexique

On est entre 1922 et 1925. D.H. Lawrence (1885-1930), mémorable auteur de L'Amant de lady Chatterley, voyage au Mexique. Il en a tiré un chef-d'œuvre d'observation aiguë qui vaut tous les écrivains voyageurs à la noix. Il faut voir (il y a des photos, celles que voulait Lawrence de son vivant) ce grand échalas tuberculeux assister en costard cravatte aux danses rituelles des Indiens hopis du Nouveau-Mexique. Il y a du Artaud des Tarahumaras dans ce carnet de bord d'un Anglais calciné, jamais fatigué de rien, toujours prêt à rencontrer le Jupiter mexicain en personne.

L'auteur du Serpent à plumes est fasciné par une société qui ne répond à aucun des critères reconnus de la Vieille Europe : la part de sacré qui en émane semble un antidote à la superstition. On est un peu chez Bataille ici, mais un Bataille qui ne craindrait pas de coucher à la dure. Lawrence voit tout, épie tout, marcheur infatigable par les canyons et les villages perdus dans la poussière. « Tout vit » dans ce monde où même les dieux n'échappent pas à cette pulsion essentielle qui balaie tout sur son passage, à « l'immense et vive source de vie ». Rien de nommé comme dans la Bible, on en est au cinquième soleil, et qui sait ce que nous réservent les puissances du tonnerre ? D'ailleurs le tonnerre n'est-il pas lui-même semblable à un colossal oiseau-reptile habitant l'immaculé cosmos ? Alles savoir…

Lawrence l'archaïque, si souvent et si bêtement caricaturé, l'homme qui voulait replonger aux sources du Sauvage, se montre ici un merveilleux écrivain. Il serait immoral de passer à côté de ces Matins mexicains qui font suite aux Croquis étrusques parus chez le même éditeur. Entre-temps, on est passé de l'Italie des origines à ce Mexique follement aimé par le plus « hopi » des Européens. Le Hopi britannique mourra à Vence, en France, le 2 mars 1930.

                                                                                  Michel Crépu