Traduction du hongrois par Marc Martin
Format : 170 x 205 mm
120 pages
ISBN : 978-2-35873-087-7
Mise en vente : 22 mai 2015
Les lecteurs du Livre des mémoires savent l’intérêt que l’écrivain hongrois Péter Nádas (né en 1942) a toujours porté au théâtre, et à la figure de l’acteur.
Deux des pièces d’une trilogie écrite dans les années 70, Ménage et Rencontre ont d’ailleurs déjà été traduites en français par Ibolya Virag et Jean-Pierre Thibaudat. Chant de sirènes est né d’une commande du Théâtre de la Ruhr, en Allemagne, qui, sous le nom de « Odyssee Europa », avait invité, en 2010, six auteurs de nationalité différente à s’inspirer du livre homérique pour écrire des pièces qui seraient données dans divers lieux de la région entre lesquels les spectateurs voyageraient pendant deux jours et une nuit. Le thème était défini ainsi : « Ulysse, de retour à Ithaque, ne reconnaît plus son île natale ».
Et pour cause. Chez Nádas, l’Histoire n’a pas manqué d’égrener entre-temps son sempiternel lot d’horreurs. L’aurore aux doigts de rose homérique se lève donc sur une scène qui n’est autre qu’un enfer où toute individualité est bannie : les humains sont condamnés à errer par groupes de trois, jamais seuls et en même temps sans aucun contact possible. Leurs tentatives d’exprimer leurs sentiments en paroles sincères sont aussitôt moquées, dénigrées par le chœur des Néréides.
Sur cette scène, c’est toute l’histoire humaine du xxe siècle, telle que Nádas la voit et l’a par ailleurs décrite avec d’autres moyens dans Histoires parallèles qui se déroule, contée dans une langue versifiée qui n’est autre que celle de l’antique tragédie, parodiée. Avec ses fils abandonnés à jamais en quête de leurs pères disparus et leur relation impossible à des mères qui les ont trahis, avec, dans une scène où interviennent Soldats et Généraux et Blessés à l’agonie, les horreurs de la guerre, et lorsque celle-ci s’achève enfin pour faire place à une scène de « déjeuner en plein air », la vision d’un monde livré aux conflits amoureux des Fils et des Filles. La « Fête de joie » sur laquelle la pièce s’achève n’est que le tableau apocalyptique d’un monde contemporain dépourvu de sens, où résonnent les paroles creuses des Petits Vieux Révolutionnaires. Le fuir par la voie maritime, c’est trouver une mer souillée, polluée par les déchets industriels et ne trouver abri que sur un misérable rocher où accourent aussitôt « les filles issues de la puanteur et de la promiscuité d’un camp de réfugiés pour minorités sensibles ». La scène où les pêcheurs de l’île évoquent les cadavres humains qu’ils repêchent quotidiennement dans leurs filets résonne avec une force toute particulière à nos oreilles d’aujourd’hui… C’est sur ce rocher que les Fils finiront, tel Œdipe, par tuer leur père Ulysse « qui se figurait avoir enfin trouvé le chemin d’Ithaque, son île adorée ».
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