Archéologia - n° 543 - Voyage en archéologie

 Archéologia - n° 543 - Voyage en archéologie
01 mai 2016

Voyage en archéologie

Publié deux ans après la mort de l’auteur, Le labyrinthe au bord de la mervient d’être réédité (en version révisée). Et quel livre ! Cette « réflexion sur les valeurs poétiques et esthétiques de la civilisation antique et leur réception contemporaine » offre sept essais très différents et d’un genre pas vraiment défini, entre le récit de voyage, le précis d’architecture et le recueil de mythes et légendes – de celles et ceux qui, à l’image des hommes, qu’ils soient commanditaires ou ouvriers, ont fait naître ces monuments de l’Antiquité grecque et latine.

Le texte éponyme, en tête d’ouvrage, voit Zbigniew Herbert, poète et essayiste polonais à l’écriture merveilleusement envoûtante (et tout aussi remarquablement traduit par Brigitte Gautier), débarquer en Crète, à Héraklion, dans l’hébétude d’un rêve. Il s’éprend de l’art minoen, raffiné et proche de la nature, et questionne la manière de voir les chefs-d’œuvre. « Essai de description d’un paysage grec » propose une approche quasiment géopoétique de l’intégration de l’architecture au paysage et, à l’heure où la discipline est comprise comme une entreprise collective, nous ramène à la solitude de l’archéologue face au passé. « L’Acropole » est un panorama historique, archéologique, sensoriel de l’œuvre de Périclès. On voyage aussi sur l’île de Samos, aux côtés des Étrusques, ou en immersion dans cette langue latine si injustement décriée…

Il arrive que les mots, écrit Herbert, butent contre la perfection d’un mur antique ou d’un végétal millénaire ; de la même manière, résumer la profusion et la beauté des images qui traversent ces pages inspirées et inspirantes ne saurait dire le talent de cet auteur pour s’emparer avec fougue des lieux qu’il décrit et en extraire la singularité d’un paysage, d’éléments d’architecture remarquables, d’une aura mythologique prégnante, empruntant à un Chateaubriand « sa précision, son intérêt pour les détails techniques et la qualité littéraire de ses descriptions ». Conscient de la fragilité de ces pierres millénaires, et que le temps est comme une mémoire qui peut à tout moment lâcher prise, Herbert ne peut rendre plus bel hommage à l’archéologie et aux archéologues lorsqu’il questionne « cette volonté farouche de confrontation, cette passion incitant au rapprochement physique, ce désir de poser [s]es mains, de [s]’unir charnellement, puis de [s]’en arracher, de partir, d’emporter – quoi ? Une image ? Un frisson ? ».

                                                                                       F. B.