Les voyages pour Jean-Claude Caër prennent toujours la forme d’une quête spirituelle. Après l’Alaska, l’auteur se rend au Japon pour tenter de retrouver, selon ses dires, "Le visage de sa mère" qui vient de mourir. Mêlant prose et poésie, Jean-Claude Caër nous livre dans un esprit proche du haïku des poèmes qui renvoient à une langue qui lui "revient par bribes, par éclats" car déclare-t-il "J’ai en moi une langue que personne ne comprend, ne connaît".
Cette langue c’est celle qui lui vient des limbes de l’enfance et qui a partie liée avec le visage maternel. Son ombre tutélaire douloureuse hante ses poèmes et dans le même temps les éclaire. Elle est source de tous les questionnements :
Reverrai-je au printemps le visage de ma mère
Sous les pétales de fleurs de cerisiers
Jonchant les allées du parc d’Ueno ?
A cette pensée, mon coeur se serre.
La recherche lancinante du visage de sa mère devient cette quête de l’origine où la mort plane, omniprésente.
Et Jean-Claude Caër de poursuivre son voyage dans lequel comme dans les films d’Ozu "Il ne s’y passe presque rien", mais d’ajouter " on y atteint la profondeur tout en transparence"... Car indéniablement, c’est dans ce "presque rien" que l’auteur tire son apaisement comme dans la cérémonie du thé qui le "délivre" "du souci de vivre".
La récitation des sûtras dans le temple Sekisho-in, les bâtons d’encens brûlés par des moines devant un temple sont autant de réminiscences de cette enfance où l’auteur allait à la messe, appréhendant le sacré et ses mystères et d’invoquer une fois encore sa mère à laquelle il se confie :
Mère
J’ai traversé des cercles de douleur
L’écriture et la vue de la mer me calment.
Et plus loin d’écrire :
Mère
J’ai recopié des sûtras pour toi,
Je t’ai peut-être vue
penchée vers la terre
La boucle du voyage est bouclée, celle du poème également car le visage de la mère fait partie intégrante de l’écriture de Jean-Claude Caër. Sa mère, toutes les mères voyagent en nous, elles habitent nos pensées, nos mots, nos gestes quotidiens, elles sont en nous car nous les portons comme elles nous ont portés. Et Jean-Claude Caër d’offrir à sa mère une part d’éternité dans un dernier vers juste et lumineux : "Ton âme qui n’est pas mon âme demeure".
par Françoise Urban-Menninger