Au jour le jour 5. Carnets 2000-2005
Ce cinquième volume des carnets du poète Paul de Roux met fin à une oeuvre tissée dans la discrétion. Chaque morceau (comme on parle d’un morceau de musique), qu’il soit en prose ou en vers, recueille le suc du jour : observations, impressions et réflexions, enveloppées de mélancolie ou d’émerveillement. En météorologue subtil des saisons et des humeurs, Paul de Roux note ses pensées au fil de ses voyages, de ses promenades ou de ses matins silencieux sous les toits de Paris. On pourrait dire qu’il navigue par gros temps, la pluie et la fatigue, la froidure et la lassitude tissant la toile de fond de ses jours. Mais si le constat est souvent amer — « Baromètre de l’âme au plus bas » —, c’est la lumière qui traverse ces pages : une lumière de Vermeer, si l’on peut dire. En guetteur anxieux, le poète repère chaque éclaircie, chaque rayon d’un soleil rare, un reflet sur la vitre d’en face, découvrant des signes limpides dans l’opacité d’heures souvent pesantes. À l’extérieur, en familier du Louvre, il arpente les salles pour y retrouver Claude Gellée, Jean Fouquet, Jordaens, le Maître de Moulins ou Poussin, ses amis, qu’il évoque avec l’œil d’un peintre: « Je me suis dit soudain que le Louvre était mes sentiers, mes bois, mes montagnes perdus. Ce n’est pas que l’esprit, c’est aussi, et tout autant, le corps, la chair du monde que je retrouve ici fugitivement. » D’autres errances le mènent au jardin des Plantes, dans le jardin alpin qu’il affectionne, ou vers le charmant musée Jacquemart André, ou encore à Anvers, sur l’île grecque d’Alonnisos ou à Hoedic, non loin de Houat où réside son ami Henri Thomas. Le poète solitaire porte un regard attentif, étonnant de lucidité sur lui-même, émouvant de précision sur le monde qui l’entoure et le bouleverse. Ses notes sont ponctuées de poèmes. Et ce qui est saisi au vol, clartés et traces infimes, sont autant de lucioles composant un permis de séjour éphémère, à renouveler chaque jour.
En même temps que ces Carnets, paraît un recueil de poèmes dans la collection« NRF Poésie » de Gallimard : Entrevoir suivi de Le front contre la vitre et de La halte obscure, avec une préface de Guy Goffette.
Édith de La Héronnière