Léon Chestov
« Suivre jusqu’au bout les destinées des individus, autrement dit poser des questions qui excluent d’avance la possibilité de réponses raisonnables quelconques », telle a été l’audace fondamentale de Léon Chestov et le sens de son œuvre. Né dans le Kiev de l’ancienne Russie en 1866, le philosophe d’origine juive passa le plus clair de sa vie en Suisse, en Allemagne, en Italie et en France où il mourut en 1938. Fasciné par les figures de Job et d’Abraham placées « dans un rapport absolu avec l’absolu » face à cette folle exigence que « Dieu n’exige que l’impossible », Chestov a discerné dans Sur la balance de Job (Le Bruit du temps, 608 p.) le sens de leurs cris dans lesquels se révèle une nouvelle dimension de la pensée, loin des paisibles certitudes. Proche de Luther, de Pascal, de Kierkegaard, de Dostoïevski et de Tolstoï, n’approuvant que « ceux qui cherchent en gémissant et apprennent à vivre dans l’inconnu », il n’a cessé de voir dans la foi ce risque infini qui, par-delà l’éthique et les religions, peut seule permettre le retour à la Terre promise.
Jean Borel