Les Échos - Luc Bondy à l'Odéon, Acte I

 Les Échos - Luc Bondy à l'Odéon, Acte I
14 septembre 2012

Luc Bondy à l'Odéon, Acte I 

Le nouveau directeur ouvre sa saison avec un spectacle intimiste et exigeant.

Luc Bondy a ouvert mercredi sa première saison à la tête de l'Odéon en mode mineur. Non pas que sa mise en scène du texte de de Peter Handke Die Schönen tage von Aranjuez (Les Beaux Jours d'Aranjuez) soit médiocre – bien au contraire, elle est très maîtrisée. Mais il s'agit d'une reprise – une production créée en mai au Wiener Festwochen. Texte très littéraire, poétique et énigmatique, il est joué par deux comédiens (allemands) dans un décor minimal. Ce spectacle intimiste en VO surtitrée n'est présenté que quatre jours et doit être appréhendé comme le fin prologue d'une saison particulièrement riche.

Un homme et une femme, un beau jour d'été. Des confidences. C'est elle qui commence. Ses premiers émois ? Sur une balançoire à dix ans. Un « élan » d'amour, qui la fera reine à jamais – d'un royaume impossible. Tous ses amours, ses expérience sexuelles ensuite ne seront que « vengeance » – pas contre les hommes, mais contre la perte de ce paradis simplement entrevu. L'homme lui aussi est roi d'un royaume disparu. Dans les forêts jouxtant le château d'Aranjuez – le nid d'amour de Don Carlos –, il a retrouvé les traces d'un passé héroïque : légumes et fruits sauvages – groseilles brillant comme des rubis dans les sous-bois. L'homme et la femme évoquent en parallèle leurs paradis perdus, s'éloignent et se rencontrent. Ils parlent de l'amour rare, de la vraie beauté qui se donne, de la barrière entre les sexes. C'est très beau, dérangeant, compliqué – on se perd parfois dans les brumes du désir, du temps qui se brouille.

Luc Bondy fait jouer son couple absolu dans l'envers du décor : sur le plateau nu derrière un rideau de scène oblique, qui s'ouvre dans l'envolée finale sur un ciel étoilé. Tous les silences, les renoncements, les brisures, les frôlements de coeur sont marqués d'un geste et d'une intonation justes (excellents Dörte Lyssewski et Jenz Harzer). La nature bourdonne, l'été murmure, au gré d'une bande-son évanescente. Il ne faudrait rien rater… Las, les surtitres ont du mal à suivre le tempo et sont situés trop hauts par rapport à la scène. Du coup on ne saisit pas toutes les nuances du jeu des comédiens. Une partie des spectateurs a du mal à rentrer dans le spectacle et manifeste une certaine réserve aux saluts.

                                                                                           Philippe Chevilley