L'Ours - n°426 - Pour faire le tour d'Isaac Babel

 L'Ours - n°426 - Pour faire le tour d'Isaac Babel
01 mars 2013

Pour faire le tour d'Isaac Babel

Toute l'œuvre de Babel publiée en Russie est aujourd'hui disponible en français. Comme l'édition russe actuelle, elle n'est pas « complète », plusieurs manuscrits ayant disparu lors de son arrestation. Les archives du NKVD/FSB ne les renfermant pas, peut-être gisent-ils dans les fonds de Staline ?

Isaac Babel est exécuté le 27 janvier 1940 après plus de six mois de tortures et d'aveux forcés. Ce jour-là, le pouvoir décide de mettre fin à la vie de l'un des plus grands écrivains soviétiques. Né à Odessa en 1894, Babel a passé l'essentiel de son enfance dans un shtetl, subissant l'antisémitisme, étant interdit d'accès à l'université en raison du numerus clausus. Il publie à la veille de la Première Guerre mondiale sa première nouvelle sur les accusations de meurtre rituel. Sa rencontre avec Gorki est déterminante et le propulse dans la carrière littéraire. Avec les débuts de la révolution, le jeune écrivain, remarqué par ses pairs, publie deux nouvelles.

Une œuvre sous contraintes

La majeure partie de ses œuvres sont écrites au début des années 1920. Pour éviter la censure et les foudres des gardiens du réalisme socialiste, Babel rédige pour l'essentiel des scenarii et des adaptations pour le cinéma et quelques reportages. Ainsi, on lira avec amusement le récit de son voyage à Paris et dans la ceinture rouge en 1935. Le côté alimentaire est également visible avec des portraits d'écrivains soviétiques décédés : Gorki ou Foumanov.  À chaque fois, la dimension odessienne apparaît, comme en témoigne sa préface, jamais publiée en raison de son arrestation, au livre du grand chansonnier juif soviétique Léonid Outessov. L'œuvre de Babel forme un tout passionnant. D'abord parce que Récits d'Odessa et Cavalerie rouge demeurent des récits exceptionnels, autant pour l'humour déployé que pour la réalité décrite. En période de guerre civile, personne n'en sort indemne, y compris les troupes de l'Armée rouge. Ensuite parce que Babel s'est fait le témoin de la vie juive ukrainienne avant et pendant la guerre. Enfin, parce que ses œuvres sont admirablement traduites.

                                                                                                    Sylvain Boulouque