Muzibao, le choix d'André Hirt

28 octobre 2021

On ignore généralement à quel point la musique peut être ambiguë et même pleine de dangers. Non seulement elle le peut, mais elle l’est. Car c’est bien elle qui donne l’élan aux marches militaires, c’est elle également qui assure parfois un peu de calme et de volupté, mais en suscitant tellement d’illusions. La musique enveloppe une forme de puissance dont on n’a guère idée : elle se soustrait à tous les équivalents de langage, elle contient l’absolu comme le désir qui y tend, elle prodigue des satisfactions comme des frustrations. Il s’avère que sa nature et ses usages sont décisifs pour toute la civilisation, comme Nietzsche nous l’a appris à propos de Wagner. 
C’est dire en réalité que la musique recèle un sens, du sens en tout cas, à la suite duquel nous ne cessons de courir, soit naïvement en nous brûlant à son contact comme une mouche, soit avec entrain et enthousiasme, mais toujours avec une sorte de démesure et d’abandon.

Le Chant XII de l’Odyssée d’Homère est écrit en nous, nous n’avons même pas besoin de le lire. Pourtant, comme le fait Philippe Beck, il est nécessaire de se pencher sur son texte pour espérer y déchiffrer quelques lettres et paroles. Et voilà la poésie qui en vient à prendre forme elle aussi par l’intermédiaire de ce que Maurice Blanchot rappelle au début du Livre à venir en décryptant une « loi secrète » de la littérature.
Il fallait une force peu commune pour s’engager, à nouveau, en revêtant et en ne revêtant pas la tunique d’Ulysse, en serrant les nœuds et les desserrant tout autant aussitôt, dans cette aventure qui mène au rivage sur lequel reposent tous les vestiges de l’Histoire passée et, soyons-en persuadés, à venir. 

Par André Hirt