W. H. Auden
En France, il aura fallu deux films, Le Cercle des poètes disparus et Quatre mariages et un enterrement, pour que W. H. Auden (1907-1973) – qui est avec T. S. Eliot, Ezra Pound et W. B. Yeats, une des figures majeures de la poésie anglaise du siècle dernier – commence à sortir de l’oubli dans lequel il était tenu. C’est, sans doute, qu’à la différence d’Eliot, dont la modernité devait beaucoup à la France et qui fut traduit très tôt par Saint-John Perse, puis par Pierre Leyris, Auden s’inscrit dans une tout autre tradition, très étrangère à la poésie française contemporaine.
Son ami Isherwood rappelle opportunément qu’il faut, lorsqu’on le lit, se souvenir de trois choses : de sa formation scientifique ; qu’il est un musicien et, en tant qu’anglican, très sensible au rituel ; et enfin qu’il a des origines scandinaves. Les premiers poètes qui l’ont influencé sont Thomas Hardy et Robert Frost, un anglais et un américain, mais tous deux ancrés dans une tradition très spécifique à la poésie anglaise, à laquelle il ajoutera bientôt son aîné Eliot, puis, après son séjour à Berlin, Goethe et Rilke.
Les poèmes les plus graves d’Auden – car, et en cela aussi il est très anglais, il n’a jamais dédaigné les poèmes de commande ni même les poèmes d’humour ou de pur divertissement – sont particulièrement émouvants parce qu’ils disent « le voyage de la vie », avec ses amours, ses trahisons, ses haltes dans des gares étrangères, ses souffrances et ses joies, dans une langue qui est aussi mystérieuse que la vie elle-même, et dans des décors qui sont ceux de l’existence ordinaire, tels les paysages industriels des Midlands où il est né.