Qu'est-ce qu'un poète sans dents ?
À la lecture d’Auguste d’Anne Weber, paru en 2010 au Bruit du temps, je me suis surpris à interroger la puissance maxillaire du sublime, à gratter l’émail sur la gencive rose de la poésie. La prothèse, c’est la manière qu’a l’art de penser la vie. Car la dent creuse n’est jamais qu’une anomalie naturelle. C’est la couronne qui fait le poète : « À ce moment-là, il manque au père déjà presque toutes ses dents de devant, ce qui n’enlève rien à son assurance ni au caractère menaçant de son affirmation qui simplement n’est pas très bien articulée » (90). Un grand poète est un buste imposant sur une cheminée ; jamais à l’abri de la poussière ni d’une malveillance malencontreuse des écrivains de l’avenir. Cette histoire du fils obscur de Goethe est l’occasion de multiples courts-circuits dans les chronologies – en soi, un plaisir sans mélange. […]
David Marsac