— Est-ce une femme ?
— Est-ce un homme ?
— Mais que vous importe qui parle ?

Tour à tour seules ou plurielles, singulières ou communes, des voix esquissent le récit d’une rencontre, d’un amour magnifié, d’un inévitable malentendu. S’enchaînent, selon le rythme syncopé de la milonga, les émotions traversées, la complicité, le rire, l’échange, le rêve, la troublante perplexité.

Dansée sur la scène du théâtre de la pensée, ici la vie n’est pas un songe, mais parfois la source d’une méprise délicate. Comme un tango.

La vida es una milonga.

« L’image s’incarne enfin. Qu’est-ce qui lui donne cette densité timide, cette présence floconneuse ? Voilà des mots tremblants, apeurés, postés, veillant, rompus à toutes les besognes. Ils ont une intonation, un rythme, une durée. C’est là. On ne peut s’y tromper. Tout arrive. Tout passe par l’oreille. Ils s’affichent, se distinguent, se déterminent. Vous croyez en eux. Ils filent. Ils s’imposent à vous. Ils vous forcent à les entendre. Ils se rejoignent, s’écartent, disparaissent. Qu’espèrent-ils ainsi ? »

                                                                   Shoshana Rappaport, Milonga, 2012